Le droit moral, défini à l’article L.121-1 du CPI, protège la personnalité de l’auteur exprimée au travers de son œuvre.
Le droit français met au premier plan le droit moral de l’auteur, auquel il reconnaît un caractère perpétuel et inaliénable, privant l’auteur de céder ou de renoncer, à l’avance, à l’exercice de son droit moral. À ce titre, l’auteur est le seul, de son vivant, à pouvoir prendre la décision de divulguer son œuvre au public, il a le droit d’exiger d’être mentionné comme auteur de l’œuvre et d’interdire toute modification de celle-ci, même lorsqu’il a cédé ses droits patrimoniaux.
Le droit moral comprend les 4 attributs suivants :
- Le droit de divulgation. Il permet de décider des conditions de communication de l’œuvre au public [tooltips keyword= »(article L.121-2 du CPI) » content= »« L’auteur a seul le droit de divulguer son œuvre. Sous réserve des dispositions de l’article L. 132-24, il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci. Après sa mort, le droit de divulgation de ses œuvres posthumes est exercé leur vie durant par le ou les exécuteurs testamentaires désignés par l’auteur. A leur défaut, ou après leur décès, et sauf volonté contraire de l’auteur, ce droit est exercé dans l’ordre suivant : par les descendants, par le conjoint contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps ou qui n’a pas contracté un nouveau mariage, par les héritiers autres que les descendants qui recueillent tout ou partie de la succession et par les légataires universels ou donataires de l’universalité des biens à venir. Ce droit peut s’exercer même après l’expiration du droit exclusif d’exploitation déterminé à l’article L. 123-1. » « ]
Ce droit permet à l’artiste de déterminer le moment et la forme de la mise à disposition de son œuvre au public. De manière négative, il lui permet de s’opposer à toute divulgation de son œuvre sans son accord.
Illustration : le cas de l’œuvre posthume. Il est possible de publier une œuvre pour la première fois après le décès de son auteur. Le titulaire du droit de divulgation devra alors l’exercer conformément aux intentions exprimées par l’auteur de son vivant, l’absence de divulgation du vivant de l’auteur ne pouvant être interprétée comme une volonté de ne jamais divulguer. Tout sera question d’interprétation : selon les pratiques propres à l’artiste, la signature ou la date apposée sur l’œuvre pourront être déterminants. A noter que le législateur a par ailleurs prévu la saisine du tribunal en cas d’abus dans l’usage ou le non-usage du droit de divulgation [tooltips keyword= »(article L.121-3 du CPI) » content= »« En cas d’abus notoire dans l’usage ou le non-usage du droit de divulgation de la part des représentants de l’auteur décédé visés à l’article L. 121-2, le tribunal judiciaire peut ordonner toute mesure appropriée. Il en est de même s’il y a conflit entre lesdits représentants, s’il n’y a pas d’ayant droit connu ou en cas de vacance ou de déshérence. Le tribunal peut être saisi notamment par le ministre chargé de la culture. » « ]
- Le droit à la paternité. Il permet d’exiger l’apposition de son nom sur l’œuvre ou au contraire l’anonymat. L’auteur peut ainsi exiger que toute représentation ou reproduction de sa création soit assortie de son identité.
Illustration : le cas du ghost writer (écrivain fantôme), qui consiste à faire rédiger une œuvre par un tiers en signant l’œuvre à la place de son auteur, est contraire à la logique personnaliste du droit d’auteur. Une renonciation temporelle et précaire au droit à la paternité est admise, mais toute renonciation définitive est exclue.
- Le droit au respect de l’œuvre. Il permet de s’opposer à une modification de l’œuvre ou à une utilisation non conforme à la destination première de l’œuvre.
Illustration : dans une célèbre affaire (Civ. 1ère 6 juillet 1965), Bernard Buffet a invoqué une atteinte à son droit moral pour dénaturation et mutilation de son œuvre. Ayant peint et décoré un réfrigérateur vendu aux enchères au bénéfice d’une association caritative, l’adjudicataire dudit réfrigérateur s’était ensuite cru autorisé à le découper en 6 panneaux différents en vue de leur revente.
- Le droit de retrait ou Il permet de cesser la diffusion de l’œuvre ou de la modifier a postériori (art. L.121-4 du CPI).
Même si vous avez cédé vos droits patrimoniaux, vous pouvez ainsi revenir sur votre décision en exigeant une modification de votre œuvre (droit de repentir) ou en exigeant qu’elle soit retirée du marché (droit de retrait). L’exercice de ces droits est soumis à la condition d’indemnisation préalable du cocontractant [tooltips keyword= »(article L.121-4 du CPI) » content= » « Nonobstant la cession de son droit d’exploitation, l’auteur, même postérieurement à la publication de son œuvre, jouit d’un droit de repentir ou de retrait vis-à-vis du cessionnaire. Il ne peut toutefois exercer ce droit qu’à charge d’indemniser préalablement le cessionnaire du préjudice que ce repentir ou ce retrait peut lui causer. Lorsque, postérieurement à l’exercice de son droit de repentir ou de retrait, l’auteur décide de faire publier son œuvre, il est tenu d’offrir par priorité ses droits d’exploitation au cessionnaire qu’il avait originairement choisi et aux conditions originairement déterminées.» « ]